Dans une réplique publiée le 2 décembre, la présidente du Parti Québécois (PQ) affirme que le « wokisme », en plus d’autres concepts issus de la gauche radicale, est une idéologie socialement imposée. Elle utilise comme exemple le programme d’éducation à la sexualité, qu’elle critique en disant qu’il est fondé sur la « théorie du genre ». Est-ce vraiment le cas ? D’où provient cette expression? Poser ces questions permet de mieux comprendre les implications politiques des tensions entourant actuellement la question de l’éducation à la sexualité au Québec.
L’origine catholique de l’expression « théorie du genre » et le concept du genre
En 2010, la France a introduit dans son programme de biologie à l’école secondaire l’idée qu’il existe une différence entre l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société, ainsi qu’entre l’identité et l’orientation sexuelle. Se sont alors braquées des personnes qui ont crié à la « théorie du genre ». Deux ans plus tard, ce réseau militant a donné naissance à une vaste mobilisation contre le mariage gai. C’est alors que l’expression « théorie du genre » a été popularisée. La chercheuse Odile Fillod rapporte que cette expression a été créée par le Vatican en réaction à l’utilisation du concept de genre dans les différentes déclarations de l’ONU pour l’égalité des sexes.
En réalité, le genre n’est pas une théorie globale, mais plutôt un concept spécifique ayant émergé dans les années 1970 aux États-Unis et en Europe. Issu de différents courant en sociologie, en anthropologie, en psychologie et de théories féministes, il désigne généralement les rôles, comportements, attentes et identités socialement et culturellement attribués aux individus en fonction de leur sexe biologique ou sexe assigné à la naissance. Il sert à comprendre la construction sociale des identités, les rapports de pouvoir, ainsi que les discriminations liées aux rôles de genre, qu’il s’agisse de l’accès à des ressources, à des droits, ou encore de la manière dont les individus vivent et expriment leur identité.
Un programme d’éducation à la sexualité qui n’a rien d’une croisade idéologique
Le programme d’éducation à la sexualité se base sur les principes directeurs de l’UNESCO et du Conseil d’information et d’éducation sexuelles du Canada (CIÉSCAN). Tous deux soulignent l’importance d’une approche inclusive, respectueuse et fondée sur des données probantes pour l’éducation sexuelle, et c’est précisément ce que le programme québécois vise : fournir aux jeunes une information complète, qui va au-delà des aspects biologiques pour inclure des dimensions sociales, émotionnelles et relationnelles de la sexualité. Il respecte les principes de non-discrimination, en prenant en compte la diversité des orientations sexuelles, des identités de genre et des réalités socioculturelles et économiques vécues par les élèves. Le programme favorise également l’autonomisation des élèves en leur offrant les outils nécessaires pour faire des choix éclairés, responsables et respectueux. Ainsi, le programme québécois se situe dans une perspective globale qui valorise le respect, la santé et le bien-être des jeunes, conformément aux normes internationales en matière d’éducation à la sexualité.
La réplique de la présidente du PQ appelle une clarification sans équivoque : l’éducation à la sexualité n’est pas un programme visant à abolir les mots « garçon » et « fille » et à encourager les enfants à faire des transitions. Relativement au concept de genre, le programme favorise des apprentissages qui reconnaissent l’identité de genre comme une composante différente des caractéristiques sexuelles (gènes, gonades, hormones, organes génitaux) et visant à respecter tout le monde, y compris les élèves trans.
Si le désir du PQ est réellement « de voir tous les citoyens sentir qu’ils font pleinement partie de notre nation », il faudrait qu’il évite de semer la peur à l’aide d’épouvantails provenant du dogmatisme catholique et qu’il prenne la peine d’écouter les personnes concernées et la science rigoureuse derrière les choix curriculaires en éducation à la sexualité.
Signatures
- Alexis Poirier-Saumure, candidat au doctorat en communication
Université Concordia
(alexis.poiriersaumure@concordia.ca) - Gabrielle Morin, candidate au doctorat en éducation
Université d’Auckland, Nouvelle-Zélande
(Gabrielle.morin@auckland.ac.nz) - Guillaume Cyr, professeur de didactique des sciences et technologies
Université du Québec en Outaouais
(438-820-9730, guillaume.cyr@uqo.ca) - Stéphanie Plante Thibodeau, personne doctorante en éducation
Université du Québec à Montréal
(514-705-7412, stephanie.plante.thibodeau@gmail.com)